Civ. 1ère, 6 déc. 2023, n° 22-21.238
Selon l’article 1245 du Code Civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Selon l’article 1245-8, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Il résulte de ces textes qu’il appartient au demandeur de prouver par tout moyen que son dommage est imputable au moins pour partie au produit incriminé.
Dès lors qu’un décès est imputable, même pour partie à une cardiopathie valvulaire causée par la prise de Mediator, la responsabilité du fabricant est engagée sur les fondements précités.
Civ. 1ère, 15 novembre 2023, n° 22-21.174, 22-21.178, 22-21.179, 22-21.180, publiés au Bulletin
Aux termes de l’article 1245-17 du Code civil instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité.
Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond.
La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l’article 13 de la directive, aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n’exclut pas l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, 25 avril 2002, Gonsalès-Sanchez, aff. C-183/00, point 31).
Il en résulte que la victime d’un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d’une faute commise par le producteur, telle qu’un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit.
Dès lors, est recevable comme non prescrite l’action introduite par assignation délivrée plus de trois ans après la connaissance du dommage causé par un médicament acquise à la date d’un avis de l’ONIAM fondée sur la faute reprochée à son fabricant, prise d’un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d’un produit dont il connaissait les risques ou de l’absence de retrait du produit du marché français contrairement à d’autres pays européens, laquelle est distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute de l’article 1240 du Code civil peut se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Dans son communiqué la Cour de Cassation indique que la victime d’un dommage causé par un produit défectueux a le droit de demander au producteur des dommages et intérêts si elle prouve que son dommage résulte d’une faute commise par le producteur. Exemple : Si le producteur a maintenu en circulation un produit alors qu’il savait qu’il avait un défaut ou s’il n’a pas été assez vigilant quant aux risques que faisait courir le produit.
Ainsi, la Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles la victime d’un dommage causé par un produit défectueux peut agir sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun. Exemple : Si la victime n’a pu agir en invoquant le défaut du produit dans les délais prévus pour la loi, elle pourra néanmoins rechercher la responsabilité du producteur en prouvant qu’il a commis une faute, bénéficiant ainsi des délais plus longs du droit commun de la responsabilité civile. La décision de la cour d’appel est donc cassée et une nouvelle cour d’appel devra vérifier si le producteur a commis une faute à l’origine des lésions cardiaques de la victime.
Rappelons que :
Par arrêt du 20 septembre 2017, n° 16-19.643 la 1ère Ch. de la Cour de cassation a consacré le principe la responsabilité de la société Servier à la suite du “scandale” du Médiator.
Par arrêt du 9 novembre 2016 (393902 et 393926) le Conseil d’Etat avait également estimé que l’abstention de prendre les mesures adaptées, consistant en la suspension ou le retrait de l’autorisation de mise sur le marché la molécule litigieuse, constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.
Par arrêt du 4 Août 2017 (16PA00157 et 16PA03634) la CAA de Paris avait jugé que les agissements fautifs des laboratoires Servier étaient de nature à exonérer l’Etat, pour l’ensemble de la période du 7 juillet 1999, date à laquelle sa responsabilité s’est trouvée engagée, au 30 novembre 2009, date à laquelle sa responsabilité a cessé, de 70 % de cette responsabilité quant à la réparation des conséquences dommageables pour les patients de la prise de Mediator.
Par arrêt n° 22PA02445 du 4 juillet 2024, la Cour administrative d’appel (CAA)de Paris a rejeté le recours de la société Servier à l’encontre de l’Etat visant à obtenir le remboursement de 30% des indemnités qu’elle avait du verser aux victimes aux motifs que « en principe, la responsabilité de l’administration peut être engagée à raison de la faute qu’elle a commise, pour autant qu’il en soit résulté un préjudice direct et certain. Lorsque cette faute et celle d’un tiers ont concouru à la réalisation d’un même dommage, le tiers co-auteur qui a indemnisé la victime peut se retourner contre l’administration, en vue de lui faire supporter pour partie la charge de la réparation, en invoquant la faute de celle-ci. Il peut, de même, rechercher la responsabilité de l’administration, à raison de cette faute, pour être indemnisé de ses préjudices propres. Sa propre faute lui est opposable, qu’il agisse en qualité de co-auteur ou de victime du dommage. A ce titre, dans le cas où il a délibérément commis une faute d’une particulière gravité, il ne peut se prévaloir de la faute que l’administration aurait elle-même commise en négligeant de prendre les mesures qui auraient été de nature à l’empêcher de commettre le fait dommageable ».
Dès lors, la société Servier ayant délibérément commis une faute d’une particulière gravité, elle ne peut se prévaloir de la faute que l’administration a elle-même commise et qui a été reconnue par l’arrêt du 4 août 2017.