Civ. 2e, 25 janvier 2024, n° 22-14.739, Publié au Bulletin ;
a) Notion de fermeture sur ordre des autorités
Un assuré exerçant l’activité de traiteur organisateur de réceptions, a souscrit auprès de la société Axa France IARD (l’assureur), un contrat d’assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « perte d’exploitation », à effet au 1er janvier 2020, du fait de la carence de la clientèle et des fournisseurs.
Les conditions particulières du contrat prévoyait la garantie des pertes d’exploitation que pourrait subir l’assuré « par suite de l’interruption totale ou partielle de l’activité exercée dans les locaux assurés due à un événement garanti », citent, parmi ceux-ci, la « fermeture de l’établissement sur ordre des autorités » et la « fermeture administrative imposée par les services, de police ou d’hygiène ou de sécurité ».
Un arrêté publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, a notamment édicté, pour les établissements relevant de certaines catégories, l’interdiction d’accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu’au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020.
Soutenant avoir subi des pertes d’exploitation du fait de cette interdiction, l’assurée a effectué une déclaration de sinistre auprès de l’assureur afin d’être indemnisée au titre de sa garantie « carence de la clientèle » et « carence des fournisseurs »
L’assureur a refusé de garantir le sinistre en se prévalant notamment de la clause d’exclusion de garantie stipulant que « demeure toutefois exclue :
- la fermeture consécutive à une fermeture collective d’établissements dans une même région ou sur le plan national,
- « lorsque» la fermeture est la conséquence d’une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».
Les clients et fournisseurs de l’assurée relevant des catégories visées par les mesures d’interdiction d’accueil du public, il en résulte qu’ils avaient fait l’objet d’une fermeture sur ordre des autorités caractérisant leur carence au sens du contrat.
Par ailleurs, la clause d’exclusion précitée, rendue ambiguë par l’usage de la conjonction de subordination « lorsque », nécessitait interprétation, de sorte qu’elle n’est pas formelle au sens de l’article L 113-1 du Code des assurances.
b) Notion de quarantaine
Civ. 2e, 20 juin 2024, n° 22-20.854
Le fait que l’arrêté du 14 mars 2020 et le décret du 11 mai 2020, interdisant aux restaurants et débits de boisson de recevoir du public pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, prévoyait une dérogation « pour leurs activités de livraison et de vente à emporter », cette possibilité restreinte d’accueillir du public et de maintenir une activité, si modeste soit-elle, n’est pas antinomique avec la notion de fermeture administrative impliquant une cessation d’activité.
Aux termes d’un contrat d’assurance, un assureur garantit les pertes d’exploitation, en cas d’« arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives résultant d’une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine ».
L’article 1er du règlement sanitaire international de 2005 définit la quarantaine comme la restriction des activités et/ou la mise à l’écart des personnes suspectes qui ne sont pas malades ou des bagages, conteneurs, moyens de transport ou marchandises suspects, de façon à prévenir la propagation éventuelle de l’infection ou de la contamination. Il précise que le terme « suspects » s’entend des personnes, bagages, cargaisons, conteneurs, moyens de transport, marchandises ou colis postaux qu’un État partie considère comme ayant été exposés ou ayant pu être exposés à un risque pour la santé publique et susceptibles de constituer une source de propagation de maladies.
C’est par une exacte interprétation de ces textes que la cour d’appel a jugé que la quarantaine, correspondant à la mise à l’écart d’une ou de plusieurs personnes spécifiquement identifiées en raison du risque de propagation de maladies qu’elles constituent, se distingue de l’interdiction de déplacement hors de son domicile, sous réserve de ceux strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, faite à toute personne par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation du virus covid-19 par les arrêtés et décret visés aux paragraphes 2 et 3.
Ayant constaté que le contrat d’assurance garantissait l’arrêt d’activité totale ou partielle résultant d’une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine, la cour d’appel en a exactement déduit que les conditions de mise en jeu de la garantie n’étaient pas réunies.
Civ. 2e, 30 mai 2024, n° 22-21.574, publié au Bulletin ; DA 12 juin 2024, note Julien Delayen ; RGDA juillet 2024, n° RGA201y9, p. 38, note D.Krajeski ; LEDA septembre 2024, n° DAS202c4, p.3, note Pierre-Grégoire Marly ; SJ 2024, 959, note Guillaume Brunel.
La garantie couvrant le risque de pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication, de sorte que l’exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d’autres circonstances que celles prévues par la clause d’exclusion, n’a pas pour effet de vider la garantie de sa substance.
Civ. 2e, 30 mai 2024, n° 22-20.958
c) Application à un établissement de vente à emporter
CA Bordeaux, 10 septembre 2024 RG 23/04862
La SARL McDonald’s France Services (ci-après MFS), a conclu avec la société MMA IARD une police cadre multirisque, à « adhésion libre », pour les restaurants souhaitant y adhérer.
Cette police comporte notamment une garantie des pertes d’exploitation consécutives à un dommage accidentel garanti, et, dans certaines conditions, des « pertes d’exploitation sans dommage matériel ».
Un établissement a déclaré à la société MMA IARD, un sinistre lié à la perte d’exploitation consécutive à la fermeture de son établissement par suite des mesures décidées par le gouvernement à compter du 14 mars 2020 pour lutter contre la propagation du virus Covid-19.
La Cour d’Appel de Bordeaux, a retenu l’application d’une garantie de principe et a condamné la Compagnie MMA à indemniser son assurée pratiquant la vente à emporter, au titre de l’extension de garantie aux pertes d’exploitation résultant d’une baisse de chiffre d’affaires, non consécutives à un dommage matériel garanti du fait de « l’ordre de fermeture émanant de toute autorité compétente.
Elle a constaté que dans ses arrêts en date des 20 novembre 2020 (n°445897), 11 décembre 2020 (n°447295) et 17 février 2022 (n°445898), le Conseil d’Etat avait retenu que le Gouvernement avait procédé à la fermeture générale des restaurants et débits de boisson, sous réserve des activités de livraison et de vente à emporter.
Par ailleurs, en ce qui concerne le plafond de garantie de 300.000 € par sinistre, la cour a estimé que le sinistre était constitué de manière distincte, pour chaque assuré et a donc écarté toute globalisation au motif que le sinistre était constitué de manière distincte.