En matière d’action en responsabilité et en indemnisation, il est fréquent que la personne poursuivie puisse disposer elle-même d’un recours à l’encontre d’un co-responsable ou du véritable auteur du dommage.
Or, la responsabilité de cette dernière peut dépendre, in fine, du sort d’une procédure principale initiée par la victime à l’encontre du responsable de son dommage.
Le problème se pose donc du point de départ de la prescription du recours de la personne poursuivie à l’encontre du véritable auteur ou d’un co-auteur du dommage, lorsqu’une procédure contentieuse en responsabilité et en indemnisation est intentée à son encontre par la victime.
La solution apparait différente :
- Si l’auteur du recours a fait lui-même l’objet d’une décision de Justice, ensuite de laquelle il envisage d’exercer un recours contre la personne qu’il estime responsable,
- Ou s’il a été assigné en responsabilité et en indemnisation par la victime d’un dommage
Dans deux décisions rendue le 19 juillet 2024, la Chambre Mixte a apporté des éclaircissements bienvenus sur le point de départ de la prescription des actions récursoires.
Point de départ à compter de la décision juridictionnelle ayant reconnu un droit contesté au profit d’un tiers :
Mixte, 19 juillet 2024, n° M 20-23.527, publié au Bulletin et au Rapport
Un notaire établi des actes de cession de parts et de donation de parents à leurs enfants.
Estimant que les donations avaient pour objet d’éluder le paiement de l’impôt sur la plus-value, l’administration fiscale a notifié aux enfants un redressement.
Après rejet de leurs recours par la juridiction administrative, les enfants assignent le notaire en responsabilité et en indemnisation.
Pour déclarer prescrite l’action récursoire en responsabilité des enfants contre leur notaire au titre de manquements à ses obligations, l’arrêt d’appel retient à tort que le délai de prescription a couru à compter de la notification par l’administration fiscale de l’avis de mise en recouvrement en 2012, alors qu’il aurait du courir à compter de la date de la décision juridictionnelle ayant définitivement statué sur leur réclamation en 2013.
Point de départ à compter de l’assignation :
Mixte, 19 juillet 2024, n° N 22-18.729, publié au bulletin et au Rapport- Voir le communiqué de la Cour de Cassation
Un notaire a établi un acte de notoriété désignant le conjoint survivant, en qualité de légataire de la quotité disponible entre époux, en présence d’enfants, et héritier du quart des biens en pleine propriété.
Une convention sous seing privé prévoyant les bases d’un partage amiable a été établie entre les héritiers, sous le contrôle des avocats des parties, dont celui du conjoint survivant.
Ce dernier assigne ultérieurement le notaire en responsabilité pour violation de son obligation d’information.
Le notaire est finalement déclaré responsable et condamné à payer des dommages et intérêts à sa cliente, conjoint survivant.
Les assureurs de la responsabilité du notaire exercent alors ultérieurement un recours contre l’avocat du conjoint survivant comme coauteur du défaut de conseil.
La Chambre mixte estime que la prescription de l’action récursoire engagée par le notaire contre l’avocat du conjoint survivant avait commencé à courir au jour ce notaire avait été assigné en responsabilité civile.
En effet, le notaire ne pouvait ignorer, dès la délivrance de l’assignation le concernant, ni l’erreur commune à tous les professionnels du droit intervenus, commise lors de l’établissement de l’acte de notoriété, ni le fait que le conjoint survivant n’avait pu obtenir la validation de l’option qu’elle avait entendu régulariser sur ses conseils, ni les conséquences préjudiciables qu’en tirait le conjoint survivant à son endroit.
Même si ces solutions ne sont pas nouvelles, elles ont le mérite de la clarification. Elles doivent inciter les assureurs de responsabilité à faire preuve de vigilance dans l’exercice de leurs recours…