Civ. 3e, 14 septembre 2023, n° 22-21.493, publié au Bulletin
En application des articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du Code civil, les actions du maître de l’ouvrage contre le constructeur en réparation des désordres affectant l’ouvrage doivent être exercées, à peine de forclusion, dans le délai de dix ans à compter de sa réception.
Si l’action de la victime contre l’assureur de responsabilité, instituée par l’article L. 124-3 du Code des assurances, trouve son fondement dans le droit de celle-ci à obtenir réparation de son préjudice et obéit, en principe, au même délai de prescription que son action contre le responsable (Civ. 1ère, 4 février 2003, n° 99-15.717), elle peut cependant être exercée contre l’assureur, tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré (Civ. 1ère, 11 mars 1986, n° 84-14.979).
Selon l’article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
Il résulte d’une jurisprudence constante que toute action en référé est une action en justice au sens de l’article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances (1re Civ., 10 mai 2000, pourvoi n° 97-22.651, Bull. 2000, I, n° 133 ; 2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi n° 08-18.092, Bull. 2009, II, n° 202).
La qualification d’action en justice au sens de l’article L. 114-1 du Code des assurances n’étant pas subordonnée à la présentation d’une demande indemnitaire chiffrée, une action en référé-expertise fait courir la prescription biennale de l’action de l’assuré contre l’assureur.
Si le tiers lésé peut disposer d’une prolongation de 2 ans, à compter de l’expiration du délai décennal, pour exercer son action directe contre l’assureur du responsable, c’est à condition que cet assureur soit toujours exposé au recours de son assuré, lequel doit donc avoir lui-même interrompu la prescription biennale ayant commencé à courir à compter de l’assignation en référé expertise qui lui a été délivrée par le maître de l’ouvrage.
Dès lors, si l’entreprise assurée a été assignée en référé-expertise le 4 avril 2012, à la suite d’une réception en 2006, elle devait assigner son assureur avant le 4 avril 2014. Dans la mesure où l’assureur n’était plus exposé au recours de son assuré à compter de cette date, et que le tiers lésé n’avait pas exercé son action directe avant 2016, celle-ci est irrecevable comme prescrite.
On ne peut donc qu’inciter les maîtres de l’ouvrage à la plus grande vigilance : Assigner l’entreprise n’est pas suffisant et il est nécessaire d’interrompre également la prescription décennale à l’égard de son assureur, sachant que l’effet interruptif d’une assignation ne profite qu’à celui qui la délivre. Si l’assuré ne prend pas la précaution d’interrompre la prescription biennale en assignant lui-même son assureur à compter de l’assignation qui lui a été délivrée, le tiers lésé ne peut bénéficier d’un nouveau délai.