Par quatre arrêts identiques rendus le 1er décembre 2022, la 2e chambre de la Cour de Cassation a cassé quatre arrêts rendus par la Cour d’Appel d’Aix en Provence ayant fait droit aux demandes d’indemnisation de la perte d’exploitation subie par des restaurateurs à la suite de la fermeture de leurs établissements en raison de la situation sanitaire liée au COVID.
Ces décisions estiment que :
la circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’était pas l’épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l’objet d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l’une de celles énumérées par la clause d’extension de garantie, de sorte que l’ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l’assuré, des cas dans lesquels l’exclusion s’appliquait,
alors que la garantie couvrait le risque de pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication,
de sorte que l’exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d’autres circonstances que celles prévues par la clause d’exclusion, n’avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance
Cass. Civ. II, 1er décembre 2022, 21-15.392, 21-19.341, 21-19.342, 21-343 ; L’Argus de l’Assurance, Juriscope du 1er décembre 2022.
Rappelons que la revendication de garantie était fondée sur une clause d’extension de garantie “perte d’exploitation suite à fermeture administrative“, conclue dans le cadre d’une police “multirisque professionnelle” et rédigée de la façon suivante :
« La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication ».
L’assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l’extension de garantie ne pouvait pas être mise en œuvre en raison de la clause excluant : « … les pertes d’exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
La Cour d’Appel avait déclaré cette clause d’exclusion “non écrite” en raison, notamment, l’ambiguïté alléguée du terme « épidémie ».
Il est rare que la Cour de Cassation ne se “range” pas du côté de l’assuré dès lors qu’une clause d’exclusion est susceptible de la moindre interprétation…
Mais, cette solution est sans doute dictée par le fait qu’une pandémie, totalement imprévisible au moment de la souscription d’un contrat, déséquilibre totalement l’opération d’assurance par laquelle une mutualité d’assurés s’organisent pour collecter les fonds nécessaires pour couvrir les risques statistiquement évalués encourus par certains d’entre eux. Dans la mesure où la pandémie à un caractère “généralisé” pour l’ensemble de la mutualité, on comprend qu’il ne soit pas “assurable”…
Reste à savoir si la Cour de renvoi, ainsi que les autres juridictions s’inclineront devant cette solution…