Cass. Civ. III, 30 janvier 2020, 19-10176, Publié au bulletin
Une maison d’habitation a été vendue moyennant le prix de 98 000 €.
A la suite de l’apparition de désordres et après expertise, les acquéreurs ont assigné notamment le vendeur en garantie des vices cachés, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code Civil.
Il résulte de l’article 1645 du code civil que le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages-intérêts envers l’acheteur, qui peut exercer l’action en indemnisation indépendamment de l’action rédhibitoire ou estimatoire (Cass. Com., 19 juin 2012, 11-13176, Bull. 2012, IV, n° 132 ; Cass. Civ. I, 26 septembre 2012, 11-22399, Bull. 2012, I, n° 192 ; Cass. Civ. III, 24 juin 2015, 14-15205, Bull. 2015, III, n° 66).
Ainsi, lorsque l’immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l’acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages-intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction.
Le vendeur de mauvaise foi peut être condamné à des dommages-intérêts correspondant à l’intégralité du préjudice subi et l’acquéreur est en droit de demander la réparation de tout préjudice imputable au vice.
En l’espèce, il était établi que la nouvelle habitation aurait la même superficie que l’ancienne et que le préjudice subi par les acquéreurs ne pouvait être réparé, sans enrichissement sans cause, que par la démolition et la reconstruction du bâtiment, seules de nature à mettre fin aux vices constatés, y compris d’implantation.
Dès lors, la demande en indemnisation des acquéreurs, fondée sur les règles de la responsabilité civile, incluant le coût des travaux de démolition et de reconstruction d’un montant de 129.931 €, soit bien supérieure au prix de vente, doit être accueillie.
Note :
Selon l’article 1644 du Code Civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
L’action estimatoire n’ayant pas un caractère indemnitaire, cette restitution du prix ne constitue pas la réparation d’un préjudice indemnisable, mais a pour seul objet de rétablir l’équilibre contractuel en compensant, par la restitution d’une partie du prix de vente, la perte d’utilité du bien résultant de l’existence d’un vice caché.
Dès lors, le cumul des sommes allouées au titre de l’action estimatoire et des dommages et intérêts ne peut excéder la perte de l’utilité de la chose.
Ainsi, la restitution d’une partie du prix de vente et l’indemnité allouée pour la démolition et la reconstruction compensent l’une et l’autre la “perte de l’utilité de la chose“. (Cass. Civ. III, 14 décembre 2017, 16-24170, Publié au bulletin )
Dans l’action rédhibitoire, le vendeur professionnel, censé connaître les vices de la chose, est tenu, outre à la restitution du prix, à des dommages-intérêts en réparation de l’intégralité du préjudice causé. (Cass. Civ. I, 6 juillet 1999, 97-16885)
Mais l’action en réparation du préjudice subi du fait d’un vice caché n’est pas subordonnée à l’exercice d’une action rédhibitoire ou estimatoire et peut, par suite, être engagée de manière autonome.
L’action indemnitaire engagée à titre principal, et indépendamment des autres, permet d’obtenir la réparation de l’intégralité du préjudice, même si son montant excède le prix de la vente.
L’indemnité accordée peut être supérieure à la valeur de la chose ou encore au montant du prix que le vendeur aurait été tenu de restituer dans le cadre de l’action rédhibitoire, et dans l’évaluation de l’indemnité, il ne peut être fait application d’un abattement pour vétusté sur le coût de la démolition et de la reconstruction d’une maison. (Cass. Civ. III, 8 octobre 1997, 95-19808, Publié au bulletin )
Dans le cas où l’action rédhibitoire est refusée, notamment en raison de l’absence d’impropriété à destination, des dommages et intérêts compensant le préjudice peuvent être accordés à titre subsidiaire (Cass. Civ. III, 25 juin 2014, n° 13-17254).
En l’espèce, si les acquéreurs avaient exercé à la fois une action estimatoire et indemnitaire la restitution partielle aurait dû être versée en déduction du montant de l’indemnité destinée à compenser la démolition et la reconstruction.
En effet, dans le cadre d’une action estimatoire, la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de la réduction du prix de vente prévue à l’article 1644 du code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de ce cocontractant (Cass Civ. III, 8 avr. 2009, 07-19690).