La destruction d’un Monument tel que la Cathédrale Notre-Dame de PARIS, qui appartient au patrimoine de l’Humanité, ne peut que nécessiter sa reconstruction à l’identique, afin de retransmettre aux générations futures le savoir faire des générations passées.
Le problème de coût, aussi élevé soit-il, semble s’être résolu spontanément par des dons massifs à la hauteur de l’émotion mondiale suscitée par cet événement.
Il n’en reste pas moins que l’État, propriétaire de l’ouvrage et qui est son propre assureur, a vocation à exercer son recours à l’encontre des auteurs du sinistre et leurs assureurs, selon les règles du droit commun.
Par ailleurs, certains assureurs peuvent couvrir les dommages causées à des œuvres d’art entreposées dans la Cathédrale, et ont également vocation à recourir à l’encontre des éventuels responsables.
Les responsabilités envisageables
Selon l’ancien article 1137-1 du Code Civil, l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille. Le nouvel Art. 1197 dispose que l’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable.
Ces dispositions s’appliquent plus particulièrement aux contrats de rénovation tant que la chose est détenue par l’entrepreneur. Si elles laissent à penser qu’il s’agit d’une obligation de moyens dont la preuve incombe au Maître de l’ouvrage, la jurisprudence renverse la charge de la preuve en s’appuyant sur les anciens art. 1302 et 1245 du Code civil : c’est au contraire à l’entrepreneur en charge du chantier de démontrer que le dommage ne lui est pas imputable (Cass. Civ. I, 5/07/1973, Bull. I n°234).
Il a été récemment jugé :
Ayant retenu, par une appréciation souveraine du rapport d’expertise, que l’incendie était survenu lors de l’utilisation sans précaution suffisante d’un outillage créant des étincelles à proximité immédiate de matériaux combustibles ou inflammables et que la société X sécurité, qui ne pouvait ignorer la mise en oeuvre sur le bâtiment, de structures métalliques à côté de laine de verre et de bardages en bois, n’avait pas veillé à ce que toutes les mesures de précaution soient prises, la cour d’appel a pu déduire de ces seuls motifs que la société X sécurité avait manqué à ses obligations ;
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 20 décembre 2018, 17-17.801 17-17.818, Inédit
Pour les marchés privés, la norme AFNOR NF P 03-001 prévoit dans son article 13 que jusqu’à la réception des travaux, l’entrepreneur doit protéger ses ouvrages contre les risques de détérioration. Pendant l’exécution de ses propres travaux, il doit prendre les précautions nécessaires pour ne pas causer de dégradations aux ouvrages des autres entrepreneurs.
Est considéré gardien du chantier l’entrepreneur qui en a “l‘usage, la direction et le contrôle” (Cass. Civ. II, 21 mars 1974).
En ce qui concerne les Marchés publics, l’article 31-41 al.2 du CCAG Travaux précise que l’entrepreneur assure notamment l’éclairage et le gardiennage de ses chantiers. Toutefois, le CCAG-Travaux, pas plus que la norme NF P 03-001, n’est obligatoire.
En ce qui concerne l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame, la responsabilité du maître d’œuvre et de l’OPC qui auraient manqué à leur obligation de surveillance du chantier, de même que celle des entreprises qui auraient contribué par leur négligence à la réalisation du dommage, en ne prenant pas les mesures adéquates pour protéger leurs ouvrages, pourrait être recherchée.
En principe, les entreprises sont présumées être gardiennes de leur chantier, de sorte que la preuve d’un lien de causalité entre le point de départ du sinistre et leur présence sur le chantier peut être rapportée par présomption.
Toutefois, compte-tenu de l’état de destruction de la cathédrale, il sera très difficile d’apporter la preuve de l’origine exacte du point de départ du feu, et donc de son lien de causalité avec l’une ou l’autre des entreprises opérant sur le chantier.
Néanmoins, la preuve d’un fait juridique pouvant être apportée par tout moyen, y compris par présomption, la concomitance entre le départ de feu et la présence d’un chantier de rénovation dans les combles de la cathédrale pourrait établir un lien de causalité.
Cette présomption peut être étayée par le fait que du matériel électrique a pu être utilisé au niveau de la charpente quasi-millénaire, telles que des disqueuses (vues en fonctionnement sur des reportages avant le sinistre), à l’origine d’échauffements pouvant générer des feux couvants.
On peut également considérer, eu égard aux faits de l’espèce que les entreprises chargées de la rénovation étaient, pendant l’exécution des travaux, investies des attributs de la garde et présumées responsables de la perte du bien immobilier dont elles avaient la garde, et ne pouvaient s’exonérer de cette responsabilité qu’en rapportant la preuve qu’elles n’avaient commis aucune faute : Cass. Civ. III, 16 décembre 2014, 13-22822.
Selon l’article 1789 du Code Civil qui régit le contrat d’entreprise « dans le cas où l’ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l’ouvrier n’est tenu que de sa faute. »
Il appartiendrait alors à ces entreprises de s’exonérer de leur responsabilité en rapportant la preuve de leur absence de faute, ce qui paraît excessivement difficile compte-tenu de l’état des lieux.
Par ailleurs, la sécurité du chantier peut également être mise en cause, connaissant le risque d’incendie particuliers dans des monuments en rénovation en présence de vieux bois, de poussières et de toiles d’araignées qui ont tendance à propager le feu.
Le problème de l’étendue de l’obligation de sécurité, de moyen ou de résultat, pesant sur le maître d’œuvre sera posé, sachant qu’un tel incendie n’a rien d’imprévisible dans ce type de bâtiment ancien : Cathédrale de Nantes (28 janvier 1972 – incendie par chalumeau), Château de Windsor (Novembre 1992 – Incendie par échauffement d’un éclairage), (Parlement de Bretagne : (5 février 1994 – Fusées d’artifice), Hôtel de Ville de La Rochelle (29 Juin 2013 – Court-Circuit)…
On hésite à le considérer également comme irrésistible, alors que le renforcement des détecteurs de fumée, la multiplication des dispositifs d’extinction automatique, ou la présence d’un piquet de pompiers dans les combles (comme dans les théâtres) aurait donné des chances d’éviter la catastrophe.
Dès lors, on peut envisager que la garantie responsabilité civile des assureurs des différentes entreprises intervenantes sur le chantier de rénovation soit amenée à intervenir.
Néanmoins, le montant des garanties de dommages aux biens est toujours plafonné à des sommes relativement basses, qui même additionnées, seront sans commune mesure avec l’ampleur des dommages.
En ce qui concerne les modalités de réparation
En ce qui concerne l’incendie du Château de Windsor, un débat avait déjà opposé les tenants d’une reconstruction à l’identique et ceux d’une restauration plus “moderne”. Les travaux visèrent à redonner au château l’apparence qui était la sienne avant le sinistre, avec des méthodes de reconstruction modernes.
En vertu du principe de la réparation intégrale, la cathédrale doit être replacée dans l’état où elle se trouvait avant la réalisation du sinistre.
Les méthodes actuelles de reconstruction devraient permettre une reconstruction beaucoup plus rapide que celle des bâtisseurs du Moyen-Age, tout en remettant en vigueur des savoirs et des techniques anciennes.
Outre la reconstruction, l’évaluation des dommages va poser des problèmes d’évaluation particuliers en l’absence de “marché”, notamment pour les reliques…
Ce seront également plusieurs dizaines de salariés de l’Association Diocésaine qui risquent de se retrouver sans emploi.
Enfin, la destruction de ce lieu de culte occasionne un préjudice “moral” à la communauté Catholique, tandis que ne pourront plus être retransmises “hors les murs” les images quotidiennes de KTO.
En attendant il y a lieu de prendre des mesures conservatoires urgentes afin de protéger les ruines du bâtiment des intempéries et éviter l’aggravation des dommages, avant d’envisager les modalités pratiques de réparation.