Cass. Civ. I, 10 octobre 2018, 15-26093
En Octobre 1997, un organisme certificateur allemand (TUV) a approuvé le système de qualité de la société PIP, approbation renouvelée à plusieurs reprises.
En 2004, la société varoise PIP a soumis la conception du dispositif médical dénommé « implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité (IMGHC) » à la société certificatrice TRLP, membre du Groupe allemand TUV, qui a délivré, plusieurs certificats d’examen CE.
Environ 30 000 femmes en France, et 400 000 à 500 000 autres dans le monde ont été implantées avec ce type de prothèses.
En mars 2010, à la suite d’une inspection motivée par un taux anormal de ruptures, l’AFSSAPS a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d’un gel de silicone différent du gel de marque Nusil qui figurait dans le dossier de marquage CE.
En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français a recommandé à l’ensemble des femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à l’explantation de ceux-ci.
Selon un bilan de décembre 2012, 14 990 femmes en France ont subi l’explantation préventive conseillée par le ministère de la santé à la fin 2011.
La société Allianz, assureur de la société PIP, a assigné celle-ci en annulation des contrats d’assurance par elle souscrits et certains distributeurs d’implants mammaires, sont intervenus volontairement à l’instance pour soutenir que l’assureur devait sa garantie et ont assigné en intervention forcée les sociétés TRLP et TRF, aux fins de déclaration de responsabilité et d’indemnisation.
Le 2 juillet 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté les demandes. Un pourvoi a été formé contre cet arrêt.
Sur la loi applicable :
Aux termes tant de l’article 3 du code civil, tel qu’interprété de manière constante par la Cour de cassation avant l’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), que de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, qui s’applique aux faits générateurs de dommages survenus depuis le 11 janvier 2009, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est, sauf dispositions contraires du règlement, celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ;
La responsabilité de la société TRLP est recherchée à raison de manquements tant dans la conduite de la procédure de certification que dans la mise en oeuvre des opérations de surveillance et de recertification, prévues par la directive 93/42, notamment à l’occasion des inspections de surveillance de la qualité effectuées dans les locaux de la société PIP, situés en France de 1997 à 2010.
Dès lors, on doit estimer que le dommage était survenu dans les usines de la société PIP où les implants mammaires défectueux avaient été fabriqués et les inspections réalisées, faisant ainsi ressortir que le fait dommageable présentait également les liens les plus étroits avec la France, au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement Rome II, de sorte que, sans méconnaître les dispositions de l’article 31 du même règlement, la loi française était applicable.
Sur la responsabilité :
Par arrêt du 16 février 2017 (Schmitt, C-219/15), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de l’annexe II de la directive 93/42, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil du 29 septembre 2003, lues à la lumière de l’article 11, paragraphes 1 et 10, ainsi que de l’article 16, paragraphe 6, de cette directive, doivent être interprétées en ce sens que l’organisme notifié n’est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs médicaux et/ou d’examiner les documents commerciaux du fabricant.
Toutefois, après avoir énoncé que l’organisme notifié est soumis à une obligation de vigilance, elle a ajouté qu’en présence d’indices suggérant qu’un dispositif médical est susceptible d’être non conforme aux exigences découlant de la directive 93/42, cet organisme doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’acquitter de ses obligations qui lui imposent d’analyser la demande d’examen du dossier de conception des dispositifs médicaux introduite par le fabricant, de déterminer si l’application du système de qualité du fabricant garantit que ces dispositifs satisfont aux dispositions pertinentes de la directive et de s’assurer, en procédant à la surveillance du fabricant, que celui-ci remplit correctement les obligations qui découlent du système de qualité approuvé.
Il résulte de cette décision qu’en présence d’indices laissant supposer qu’un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées.
Il appartenait donc à la société TRLP de vérifier, au cours de l’examen de la comptabilité matière de la société PIP, si les quantités de gel de silicone de marque Nusil, l’un des seuls autorisés pour les prothèses mammaires, acquises par la société PIP étaient manifestement sans rapport avec le nombre d’implants mammaires vendus.
La Cassation de l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence, a donc été prononcée, ce qui ouvre aux victimes la perspective de nouvelles capacités d’indemnisation.
A noter que le pourvoi formé par le dirigeant de la société PIP à l’encontre de sa condamnation à quatre ans de prison ferme et 75 000 euros d’amende par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 2 mai 2016, pour fraude aggravée et escroquerie a été rejeté par la Cour de Cassation le 11 Septembre 2018.
Dans la mesure où les capacités financières des divers responsables et de leurs assureurs ne permettraient pas de désintéresser la totalité des victimes, on rappellera que celle-ci ont la possibilité de demander une indemnisation auprès du FGTI dans le délai de un an à compter de la décision de condamnation pénale