Absence de signalement au maître d’ouvrage public d’un défaut de conception et responsabilité décennale
Une Commune a, au cours de l’année 2001, mis en oeuvre une opération de revalorisation de son Centre bourg. Après une réception prononcée sans réserve en mars 2003, des désordres relatifs aux dysfonctionnements de l’écoulement des eaux pluviales et une atteinte à la solidité des bordures de trottoirs ont été constatés.
La Commune a saisi le Tribunal administratif d’Orléans de demandes tendant à la condamnation solidaire du maître d’oeuvre et de la société ayant réalisé les travaux de voirie et réseaux divers à l’indemniser sur le fondement de la garantie décennale.
Par un jugement du 20 mars 2014 a rejeté sa requête, et par un arrêt du 19 octobre 2016, la Cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par la Commune contre ledit jugement.
Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel.
Après avoir rappelé les principes régissant la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs en droit public, la Haute Juridiction administrative a considéré que :
- En premier lieu, les désordres affectant les bordures de trottoirs étaient de nature à rendre cet ouvrage impropre à sa destination. Le Conseil d’Etat relève que la dégradation fréquente et, dans certains cas, importante des bordures de trottoirs présente un danger pour les usagers, qui est de nature à s’accentuer dans le temps à défaut de toute reprise. Il a donc censuré, sur ce point, l’analyse de la Cour ;
- En second lieu, que les constructeurs devaient signaler au maître d’ouvrage que, compte tenu de la fragilité inhérente au type de matériau employé et de ce que la chaussée était une voie départementale, l’emploi de pierre calcaire pour les bordures de trottoir n’était pas pertinent.
Le Conseil d’Etat a précisé ensuite, qu’en exonérant de toute responsabilité au titre de la garantie décennale le maître d’oeuvre et l’entreprise titulaire des travaux de voiries et réseaux, alors qu’il leur incombait de signaler au maître d’ouvrage tout défaut de conception susceptible d’entraîner une mauvaise utilisation ou un risque de dégradation de l’ouvrage, la Cour a commis une erreur de qualification juridique.
L’absence de signalement au maître de l’ouvrage public d’un vice de conception est donc de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.